POEME ROMÂNESTI ÎN LIMBI STRĂINE

Vasile VOICULESCU



 

 

 

ECCE HOMO

Quels nouveaux tourments me procure le matin?
Abîmes de tortures sous mes pas chancelants…
O, Dieu, pourquoi me donner la vie comme un gain
Et me demander, pour chaque jour, du supplément?

Tout ce que tu créas de beau et d’accompli
De moi le tiras, usant de la douleur.
Je contemple la femme: rien que Chair et oubli:
Une urne – fût-elle suave – avec les cendres du bonheur.

Est-ce pour m’être mêlé aux anges et animaux,
Ou que mes idées te valent ennemis méchants comme tout?
Tu habites les hauteurs, ta lumière d’en haut
Vieillit avant de parvenir jusqu’à nous.

Mais tout seul, mon corps en quête de rédemption
Sur une croix de péchés je crucifie,
Alors que l’îme, d’immortalité goulue,
De simples racines amères je la nourris.

Version française: Constantin FROSIN


Au delà du Danube

Au delà du Danube, plus bas, en descendant,
Parmi les tristes chaumes de chardons,
Traverse le marais, balancé nonchalant,
Un char avec la bîche de paillasson.

Dans le champs il y a pas de brins verts,
Le vent bouge les tiges de stipes blanchies,
La voie longue à l’horison se perde
Sous un ciel de grands mélancolies.

Les boeufs molasses s’accusent de langueur,
Garrots rîpés leur apportant souffrance,
Les essieux  gemissent avec lenteur
Et balbutient une sorte de doléance.

Et comme il mène, l’homme se tient nu-tête,
Bien enfoncé dans les amas du char;
En sommeillant, en main avec baguette,
Toujours s’en va, sans fin en cheminant.

Comme l’ours allongé il s’endorme bien
Sur l’manteau de pître en quatre peaux d’moutons,
Le veillant seulement l’implacable gourdin
Enchîssé en nouveaux cuivres jaunes.

Quand il ouvre ses yeux perçants
Sur la roue de l’horison bien éclairci
Se rempli son coeur en s’augmentant
C’est comme toute la plaine sera à lui.

„Feuille verte, le brin de l’absinthe…”
Chante doucement le charretier
Et, levés comme lui, chantent les Scythes
Qui, une fois, la steppe ont traversé.

(cf. Poeme cu îngeri, 1927, apud Poezii, I, EPL, 1968, antologie si prefată de Aurel Rău. Text stabilit de I. Voiculescu si V. Iova, pag. 192/193)

 

Le chant de l’îme

Îme, navire passagère
Qui traverse, bien hardie, toute la terre,
Mes passions dans l’orage ne jète pas…
Prends-les! Mène-les avec toi!

Ne t’en fais pas qu’elles sont pesantes
Les boîtes d’or du voyageur:
Nous en paierons avec de l’or
Taxes au désir, douane aux pirates.

Tremble le tronc, voyant les abîmes;
Ne l’écoute pas… la graisse l’a fondu,
Déroule sur les verges les songes
Lève leur voile au-dessus.

Parmi les écumes déchirées
Et amas noires de vapeurs
Soit que les vents harnachés
T’emporte en clameurs.

Et à tous qui te crient: „Stop! Il faut dévier
Tu t’en va vers la mort!”, dit-leur vite
Que les îmes depuis l’étérnité
Sont portés vers leur but en tempêtes.

Celui qui serre l’eau, les mugissements,
Au timon doit être rusé
Et toi, jour et nuit, tu as, s’en succédent,
De la part du Dieu, comme timonier, les pensées.
(idem, pag. 194)

L’ange de la chambre

Qui ne m’excuse pas
Car j’ai osé?
L’ange de la porte
Ne m’a pas arrêté.

L’ange des marches
N’a pas regardé.
Droits et blancs
Les échelons j’ai monté.

L’ange de la porte
S’est mis de côté…
Mon Dieu, quelles menottes
Nous ont séparé?…

Je suis entré dans la chambre
Les fenêtres ouvertes:
La fillette blonde
(L’ange de la chambre)
M’avait tendu la main
Quand elle était morte.
(cf. Poeme cu îngeri, apud op. cit.,  pag. 137)

Horeb intérieur

Je grimpe le mont d’idée en îpres galbes
Cherchant le feuillage d’un bûcher flambé
Certainement les plus profonds tonneres dalbes
M’annonceront que, mon Dieu, je t’ai touché.

En les faisant poussières elles-mêmes se frayeront
Sur le lit des oreilles un tout nouveau chemin
Sous boules d’écho quand jusqu’au fond se troubleront
Ses gouffres de silence qui revient.

Alors arrachant la sandale d’un jugement faible
Avec une îme nu pieds parmi la braise dure
Marchand sur la pointe des pensées bien vides
Moi, j’oserai fouler aux pieds un esprit pur.
                (cf: Destin, op. cit., pag. 207)

Contemporain

Ni le ciel, ni la terre ne sont pas effrayants;
Je foule aux pieds le premier, l’autre je peux la percer;
Faible je suis – grain soufflé par le vent
Sur les steppes de la vie longuement,
Il me souffle là, où veux-je arriver.

Même si tu es à l’infini de moi,
Je ne vie pas en vain mon inutilité,
Je cherche ton empire, je sais que Tu es là.
Je suis contemporain, mon Dieu, avec Toi,
Je suis contemporain avec l’éternité.
(dimanche, 7 oct. 1956, Bucarest.
Cf. Clepsidra;op. cit. pag. 247)

 

En français:Coca SOROCEANU


 

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