POEME ROMÂNESTI ÎN LIMBI STRĂINE

       Nichita STĂNESCU



 

 

 

CET ANGE, TENANT UN LIVRE À LA MAIN

Certain ange passait,
chevauchant une chaise bien noire, assis.
Il traversait les airs, tout doux
et fort fier.

Depuis ma fenêtre, je le regardais
passer les murs comme une fumée.

J’ai un mot à te dire, je crie
à toi, ange chassé du paradis
par un vent levé ou une poussée
de quelque esprit beaucoup plus corsé.

Mais l’ange se taisait et passait
sur une chaise noire assis, en lisant
un bien vieux livre étincelant
à cause du plat en argent, moult épais.

Il traverse le nouvel immeuble.
Tout comme le pavillon cuivré
de la station d’essence,
abstrait, divin.

Reçois, ô, ange, alors je crie
le verre de vin dont me rafraîchis.
Je dédie sel et pain à ta gloire...
Elle me fait mal, la tombée du soir.

Mais l’ange se taisait et passait
à travers le poêle de ma carrée.
Assis sur une chaise noire, en lisant
un livre lourd, aux écailles en argent.

Arrivé à ma hauteur, je crie –
ô, toi, ange venu du paradis
je t’en prie, permets aussi à moi
de m’accrocher à ta chaise, à ton bras

A peine si j’ai pu à un pied
de chaise, au vol, m’accrocher.

Ainsi, dans l’air et à travers murs
je m’envolais avec cet ange,
de même que flotte au gré du vent
la soie du drapeau d’un perdant!

Et je me blessais contre les toits,
contre les vertes ramures de guingois

me heurtais contre les longs poteaux retors
contre cîbles, fils de fer, bords et rebords...

Je me détachai d’en haut, tombant
dans la place tranquille, plongée dans le soir.

Ô, il s’éloignait en volant
dans les airs et les murs en traversant
le livre à la main, lisant avec passion, sans surseoir.
Ô, il s’éloignait, mais moi
je tenais à le voir, dans la soirée.
... Mais il est parti en glissant
comme chassé du paradis par un vent
ou par quelque esprit poussé
beaucoup plus corsé.
Version française: Constantin FROSIN

 


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