Ileana MĂLĂNCIOIU
      


       

 

Rêve

Toute la ville était peuplée de morts
Qui inondaient sa principale rue
Et qui étaient élégamment vêtus
Comme jamais ne furent jusqu’alors.

Ils passaient en riant incessamment
Et avaient l’air de ne comprendre guère
Qu’il n’y a plus de place sur la terre
Pour nous aussi, la foule des vivants.

Nous effrayait l’étrange délire funéraire
De la file qui ne s’arrêtait plus –
Chacun avait quelqu’un de très cher dans la rue
Et ne voulait à nul prix qu’on l’enterre.


La cérémonie terminée

La cérémonie terminée, tous les morts revenaient
Sur leurs pas dans la rue toute froide et désertes;
Entre leurs quatre murs avec soin se cachaient
En ayant l’impression de ne plus être inertes.

Et ils se souvenaient d’être bien affamés
Et d’avoir soif dans leur file infinie,
En rencontrant quelqu’un de cher, croyaient
Défier tout d’un coup les parois de l’oubli.

Ils s’embrassaient puis frénétiquement,
Mais à la fin d’une nuit triomphale
De vie déchaînée et d’amour débordant,
Sortaient, toujours les mêmes, dans la rue principale.


Pastel

Il est tard. La chaleur de l’été s’en alla,
Tu es plus loin du monde des candeurs
Où je t’ai vu sans que tu fusses là,
Je sens trop fort le besoin de chaleur.

Presque partout commence un changement,
La terre semble solitaire et triste;
Des feuilles et des gens également
Tombent au gouffre amer à l’improviste.

Le fil de fer enclôt un mont désert,
L’automne autour est pâle comme cire;
Etre enterrée aussi mon âme préfère
Afin avoir d’où, le printemps, sortir.


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