Mihai EMINESCU
En vain en poudre de l'école
En vain en poudre de l'école
Dans dévorés de mites, auteurs,
Tu cherches le signe de la beauté
Impulsions de la durée,
Sur leur feuillage bien crasseux
On cherche secrets mystérieux
Avec leurs lettres déformées
Tu veux changer le monde entier.
Y a pas de livres où tu t'instruis
Pour que la vie aie de grand prix
Donc il faut vivre, t'angoisser
Et toutes les choses endurer
Pour écouter l'herbe pousser.
C'est sûr que dans la nuit tilleul je rêverai…
Mais quand la nuit, en rêve, dans mes yeux c'est toi
Alors, dans la journée, tilleul j'ai rencontré.
A ma table en bois j'm'arrête,
Le feu tremble en poêle,
Moi, tout de suite, je m'inquiète.
Vols d'oiseaux traversent ma tête
Doux chimères. Des mémoires
Tintent bas comme les cigales
Dans vieux et noirs remparts.
Tombent quand même, lourdement
Et se brisent dans l'âme triste,
Comme en gouttes tombe la cire
Aux pieds de Jésus Christ.
Dans la pièce parmi les coins
Toile d'araignée se tisse
Et dans les amas de livres
Les souris'n cachette se glissent.
Le regard fixé en voûte
Dans cette lente, douce paix
Moi, j'entends comme eveloppes
De ces livres sont rongées.
Attacher la lyre en clou
Combien de fois, ah! On voudra
Mettre fin à tous les vers
Et aussi aux embarras;
Et alors cricris, souris,
Avec leur petit pas, léger,
Ramènent ma mélancolie
Qui ainsi devient vers.
Quelques fois…donc pas toujours…
Quand trop tard la lampe éclate,
De sa place mon cœur tressaille
Quand j'écoute sonner la porte…
Elle. C'est Elle. La maison vide
Tout à coup elle se remplit,
Une icône de lumière
Sur le seuil noir de ma vie.
Je m'en fou de ce temps-là
Qui s'empresse à passer
Quand je me tiens main à main
Avec ma jolie-aimée.
En français: Coca SOROCEANU
Les rêveries du pauvre Dionis
Las! Maintenant n'est qu'un bougeoir mon beau carafon dodu!
Quant à la bougie morveuse, ard sa graisse bavant hagarde
Et dans cette âpre misère, chante, inspire-toi ô barde –
Sous – pas vu depuis des lustres, vin – depuis un mois pas bu.
Un royaume pour une clope! envahir la chambre autour
De fumée et de chimères... Mais où la trouver? Le vent
Secoue les fenêtres, hurlent les matous sous les auvents, –
Déprimées, glacées, les dindes font les cent pas dans la cour.
Ouaou! Quel froid... je vois mon souffle et ma catchoula d'agneau
Est tirée jusqu'aux oreilles – quant aux coudes, je m'en fous!
Avec eux, comme un gitan qui passe son doigt par un trou
De sa tente, moi je sens vite si le temps vire au beau.
Ah! Seigneur, pourquoi ne suis-je une souris au doux pelage
Bien fourni, je grignoterais tous mes livres, peu à peu;
J'aurais chaud – Homère serait un plat tendre et savoureux,
Mon palais – un trou, ma femme – une très belle et sainte image.
Sur les murs et sur les plafonds, pleins de toiles d'araignées,
Grouillent les punaises! Fichtre! Ce spectacle est vraiment beau!
De mon matelas de paille elles en ont marre et ma peau
Les nourrit à peine. – Alors, en rangs très longs, bien alignées,
Sont sorties en promenade – quel cortège sympathique!
Ça, c'est une vielle dame à la démarche balancée;
Celui-ci – un vert galant... vif... est-ce qu'il cause le français?
Celle-là, que tous entourent, une môme romantique.
Brrr! J'ai froid... Et sur ma main un pou noir semble embarrassé;
Si je mouille un doigt, c'est sûr, je l'attrape, la pauvre bête!
S'il tombait sur une dame, elle lui aurait fait sa fête,
Mais moi je m'en fiche, le « bougre » pourquoi donc le coincer?
Mon matou, blasé, ronronne près du poêle. Hé! Mon gaillard,
Viens tailler une bavette, seul ami, horloge bistre,
S'il y avait un bled de chats, je te nommerais ministre,
Pour comprendre un peu, mon pauvre, ce que c'est qu'être un boyard!
Mais, vraiment, à quoi pense-t-il tout en ronronnant, le drôle?
Dans sa tête de gros matou à quoi peut-il fantasmer?
Est-ce une belle en robe blanche, sa douce bien-aimée,
Qui l'invite dans les combles? Et la croit-il sur parole?
ce monde était chatesque, je serais toujours poète?
Un Garrik miaulant des odes, déclamant des poésies,
Couché le jour au soleil, épiant toutes les souris
Et la nuit, devant la lune, heinisant des chansonnettes.
Si j'étais un philosophe – ma sagesse, quel atout!
Je haranguerais le peuple sur des idéaux, rebelle
J'apprendrais à nos jeunes gens et aux belles demoiselles
Que ce monde n'était qu'un rêve – un vain rêve – de matou.
Ou comme un prélat au temple destiné à l'Être qui
Selon sa féline image a créé la race des chats,
Je crierai: ô chats et chattes! Écoutez, maudites soient
Vos âmes qui, du Carême, s'en balancent et font fi!
Je soupçonne qu'il y a parmi vous des âmes pourries,
Qui se croient supérieures en sagesse, des athées
Qui poussent le peuple félin à sa perte, en vérité!
Ah! Ne craignent-t-ils l'enfer gui grouille de chauves-souris?
Anathema sit ! – Ces monstres méritent d'être crachés
Par tout chat qu'est dans les normes. Ne vous a-t-il pas donné
Griffes pour griffer, ô chats, et ce qu'il faut pour ronronner?
Avec vos pattes, maintenant, vous voudriez le toucher?
Zut! La bougie n'est qu'un trognon et la flamme a bien baissé!
Gros pépère, va te coucher, ne vois-tu pas qu'il fait nuit?
Allons rêver de trésors, toi près du poêle et moi au lit,
Si dormir m'était possible. Ô doux repos de la pensée,
Viens protéger mon pauvre esprit de ta large aile, légère,
Viens sommeil ou viens camarde. L'un ou l'autre, je m'en fous
Si je passe encor mon temps avec la lune, avec les poux
Ou les chats – quelle importance? – Poésie – sombre misère!
(1872, 1 er décembre)
Traduction du roumain par Nicolas BLITHIKIOTIS
Vers populaires
Comme l'herbe par les vieux bœfs,
Mangé par malfaisants
Comme l'herbe par les brisants,
Mangé par les parents
Comme l'herbe par les ânes;
La pitié de l'étranger
L'ombre d'aiguillon elle est
Quand tu veux être plus frais
Plus fort elle te fait brûler…
Si j' vis comme sapin en monts
J'avais pas soucis plus forts
Mais je vis comme pierre en bas
Avec plaints, larmes et tout ça…
(cf. art. Rapirea Bucovinei, Curierul de Iasi, 30 sept. 1877)
En français: Coca SOROCEANU