POEME ROMÂNESTI ÎN LIMBI STRAINE

   

Stefan Augustin DOINAS

 

Le sanglier aux crocs d'argent

 

Un Prince de Levant aimant bien la poursuite

Le cœur noir d'une vieille forêt traversait.

Foulant au pied le fourré, étroite route,

chantait à un flûte en os et disait :

– «Venez chasser en bois impénétrables

le sanglier aux crocs d'argent, mystérieux,

qui change chaque jour en grottes insondables

sabot, pelisse, aussi son œil vitreux ».

– « Maître », disaient les domestiques aux clairons,

ce sanglier ne passe par ici.

Venez connaître l'gibier aux cornes,

les renards roux ou les lièvres petits ».

Mais le Prince souriant avancait par devant

regardant dans les herbes, à leur colorit,

laissant dormir tranquil le cerf prudent,

le lynx dans les arbres aux yeux vifs.

Sous sapins, mauvaises herbes d'une côté en mettant :

– « Regardez, se balance jaune, isolé,

le sanglier aux crocs d'argent, pas loin.

Du flèche en fer venez tous le frapper ».

– « C ' est la lune qui, maître, éclaire dans les arbres »,

disait le domestique le regardant sensé.

Mais lui : « Tais-toi », s'efforce à repondre.

La lune ainsi brillait comme croc de sanglier.

Et lui, il braqua sous les hêtres un fût :

– « Voyez comme se roule verdâtre, en jeu,

le sanglier aux crocs d'argent, à genoux.

Venez le frapper d'une flèche en feu ».

– « Mais maître, c'est l'eau qui joue sous les arbres »,

disait l'domestique souriant effronté.

« Tais-toi », dit-il s'efforceant à répondre.

Et l'eau brillait comme croc de sanglier.

Sous les orms, en buisson, il courait enjoué :

– « Regardez comme il bouge dans l'herbe, en frisson,

le sanglier aux crocs d'argent, bien pourpré.

Venez le frapper d'une flèche en airain ».

– C'est le vent, maître, qui batte sous les arbres »,

disait l'domestique souriant altier.

– « Tait-toi », dit-il s'efforceant à répondre.

Et l'herbe brillait comme croc de sanglier .

Hélas ! une soirée, en étant apaisé

regardant dans les sources les étoiles des cieux,

venait un énorme sanglier, argenté,

de ses crocs le tirant, en lambeaux le mettait.

– « Quelle bête étrange en sang me remplit,

arrêtant la poursuite de mon sanglier ?

Quel noir oiseau est en lune et gémi ?

Qui me frappe sans cesse comme une feuille éthérée ? »

– « Le sanglier, maître, aux crocs d'argent,

c'est lui qui t'embrasse, jaissant sous taillis.

On l'écoute maintenant, afreux, grommelant ».

Mais le Prince se tournant : « Tais-toi », répondit.

Plutôt prend le corne et souffle toujours.

Jusqu'à ma mort, vers le ciel pur…

Alors, la lune se couchait derrière les sommets

et le corne sonnait, mais très peu, très …

 

( cf. REVISTA CERCULUI LITERAR , ian. – aug. 1945,

Restituire integrala a publicatiei, ed. Îngr. de Dan DAMASCHIN;

Prefata de Petru POANTA, Ed. Dacia, 2002, p. 431)

Version française: Claudia PINTESCU

 

 

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