POEME ROMÂNESTI ÎN LIMBI STRĂINE

   Ana BLANDIANA



 

   


DANSE SOUS LA PLUIE

Allons, laissez que la pluie m’embrasse depuis les tempes jusques aux chevilles,
Mes bien-aimés, considérez ce ballet tellement nouveau.
La nuit dissimule son vent dans le noir, comme une hérésie.
Mon ballet a le vent pour écho.

Aux cordes de la pluie je m’accroche, me rattache et me suspends
Afin de relier l’ici-bas et les étoiles.
Je sais, vous aimez mes cheveux graves, frissonnants
Tout comme vous aimez les flammes de mes tempes qui s’emballent.

Contemplez jusqu’à ce que votre regard atteigne au vent qui souffle dans les airs
Mes bras, tout pareils à des foudres vives, rigolotes –
Mes yeux, je ne les ai jamais baissés vers la terre,
Mes chevilles, on ne leur a jamais passé les menottes!

Laissez donc que la pluie m’embrasse et que le vent me dilacère,
Adorez mon libre ballet dansé au-dessus de vous –
Mes genoux n’ont jamais donné l’accolade à la terre,
Mes cheveux ne se sont jamais secoués dans la boue!

Version française: Constantin FROSIN


 

                         Je sais, la pureté

Je sais, la pureté ne donne de fruits –
Et les vierges ne naissent pas d’enfants,
C’est la grande loi d’être sans tache
L’impôt de pouvoir vivre enfin.

Les bleus papillons poussent chenilles,
Et poussent fruits aux fleurs autour,
La neige est blanche, pas touchée,
La terre chaude est bien impure.

Sans tache l’espace se repose,
Le ciel vivant est de bacilles,
On peut, s’il veut, de ne pas naître,
Mais si tu es, tu peux t’enfuir.

Le mot est en pensée heureux,
Parlé, l’oreille l’a diffamé.
Vers quel plateau j’en dois pencher?
Vers grand renom ou rêve muet?

Entre silence et grand péché
J’en peux choisir – troupeaux, lotiers?
Oh! drame de mourir de blanc
Ou bien la mort pour triompher …

 (cf. Călcîiul vulnerabil, 1966, apud vol. Poeme, col. Cele mai frumoase poezii, prefată Al. Philippide, Ed. Albatros, 1978, p. 77/78)

 

                               Chanson

Laisse, automne, les arbres verts
Mes yeux je t’offrirai.
Hier, le soir, dans le vent jaune
Arbres en genoux pleuraient .

Laisse, automne, le ciel paisible.
Jète sur moi des flammes et feu.
Car ce nuit lueur en herbe
S’efforça s’écarteler.

Laisse, automne, dans l’air oiseaux,
Met en fuite tous mes pas.
Hurlements des alouettes
Le matin la voûte ôta.

Cède à moi, automne, de l’herbe, cède
A moi les fruits et laisse
Les ours pas endormis, les cigognes pas allées,
Aussi l’heure bien éclairée.

Livre-moi, automne, le jour,
Ne larmoie tant de fumée
Abaisse le soir sur moi,
Je m’en voile, quoi que ce soit.

                               (cf. A treia taină, 1969, op. cit.,  p. 77/78)

 

                               Rencontre

Ne t’effraie pas.
Le tout sera si simple
Car tu ne comprendras
Que plus, plus tard.
Tu attendras au début
Et seulement quand
Tu commenceras à croire
Que moi, je ne t’aime plus
Tu auras du mal,
Mais alors je mettrai
Un brin d’herbe à pousser
Dans le recoin connu du jardin,
Pour arriver chez toi
Et pour te chuchoter:
Ne vous effrayez,
Elle va bien
Elle vous attend
A mon autre bout.

                               (cf. Cincizeci de poeme, 1970, op. cit., p. 96)

 

En français: Claudia PINTESCU


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