POEME ROMÂNESTI ÎN LIMBI STRĂINE

        Lucian BLAGA



 

 


 

Je n’écrase pas la corolle de merveilles du monde

Je n’écrase pas la corolle de merveilles du monde
et je ne tue pas
avec la pensée les mystères que je trouve
dans ma voie
dans les fleurs, les yeux, sur les lèvres ou tombeaux.
La lumière des autres
étrangle le charme de l’impénétrable caché
dans profondeurs d’obscurité,
mais moi,
moi, avec mon éclat, j’accrois le mistère du monde
et comme avec ses blancs rayons la lune
ne réduit pas, mais tout tremblante
agrande plus fort le mystère de la nuit,
j’augmente ainsi l’horizon sombre
avec des larges frissons de saint mystère
et tout ce qui n’est pas bien compris
devient des incompris plus grand
dans mes yeux –
car moi, moi, j’aime
les fleurs, les yeux, les lèvres, les tombeaux.

 

Je veux jouer!

Oh, je veux jouer, comme j’ai jamais joué!
Pour que Dieu
ne soit pas
en moi
un captif en prison – enchaîné.
Ma terre, donne-moi des ailes:
une flèche je désire être pour fendre
le sans-rivage,
que je ne voie aux environs que de ciel,
ciel au-dessus,
et ciel sous moi –
et allumé en vagues de lueur,
jouer
étincelé d’élans incroyables
pour que Dieu respire librement en moi,
pour qu’il ne rouspête pas:
« Je suis un captif en prison!»

Le rouvre

Aux lointains limpides j’écoute dans la poitrine d’une tour
sonner la cloche comme un cœur
et dans des douces rumeurs
il me semble
que gouttes de calme coulent dans mes veines, pas de sang.

Le rouvre de la lisière de vieille forêt,
pourquoi m’accable,
avec des ailes molasses tant de paix,
quand je jit à ton ombre
me caressant avec ta feuille folître?

Oh, qui sait? – Peut-être
de ton tronc on me sculptera
dans peu de temps le cercueil,
et le silence
que je goûterai parmi ses planches
je le sens probablement désormais:
je sens comme ta feuille le verse dans mon îme –
et muet
j’écoute pousser dans ton tronc le cercueil,
c’est mon cercueil,
en chaque moment qui passe,
le rouvre de la lisière de vieille forêt.

(cf. Poemele luminii/ Poèmes de la lumière)

 

Il y a sans gloire dans vieille forêt

Y a  sans gloire dans vieille forêt
grand oiseau mal disposé.

Haut il est sous le ciel petit
et rien ne le guérit,

à moins qu’il boirait de rosée
cendre, débris étoilé.

Il regarde en haut, frémis
à l’étoile sur le taillis.
                                               (cf. La cumpăna apelor/ A la balance des eaux)

 

Au gaspillage se fait le fleuriste

Nous nous rappelons une fois, plus tard,
de cet événement très simple
de  ce petit banc où nous restons
tempe brûlante auprès de tempe.

De l’étamine d’noisotier,
des blancs peupliers, on coule le foyer
et chaque début se veut fécond,
au gaspillage le fleuriste se fait.

Sur nous tous tombe le pollen
aux environs jaunes amas rondes
se constituent en aur très fin
sur nos épaules, nos cils, qu’il tombe.

Nous nous rappelons une fois, plus tard,
de cet événement très simple
de  ce petit banc où nous restons
tempe brûlante auprès de tempe.

Révant, on aperçoit en songes  –
latentes en poussières dorés -
des bois qui en pourraient bien être
mais ne seront au grand jamais.

 (cf. Mirabila sămîntă, vol. Poezii, 1962/ L’étonnante graine, du vol. Poésies)

 

En français: Coca SOROCEANU


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